Principaux aspects historiques

Zone de culture et de civilisation très ancienne, le Maramures a imprimé son histoire dans le bois et la pierre, dans les âmes et la parole.

Les fouilles archéologiques de Nanesti sur la vallée de l'Iza témoignent de la présence humaine sur ces lieux à l'époque du paléolithique supérieur (35000 - 10000 ans avant J.-C.). Des traces appartenant à la période du néolithique (6000 - 2500 avant J.-C.) se trouvent à Sighet, Costiui, Oncesti, Cornesti et Giulesti. L'époque de bronze est richement représentée par les découvertes archéologiques faites dans plus de vingt localités parmi lesquelles Bogdan-Voda, Vadu Izei et Giulesti. Tous ces vestiges nous prouvent que la population de ce territoire était daco-gète, comme celle de l'arc carpatique tout entier.
La conquête romaine de la Dacie (106 après J.-C.), que les armées de l'empereur Trajan obtinrent difficilement devant les vaillants soldats du roi Décébal, laissa le Maramures hors de l'aire contrôlée par les Romains, dans la zone des Daces libres. La communication entre les divers territoires habités par les Daces ne fut toutefois pas rompue. Des liaisons économiques et spirituelles avec les frères d'une même ethnie, vivant au-delà des montagnes, se maintinrent. Les découvertes archéologiques, les toponymes et certaines éléments ethnographiques locaux le prouvent. Les riches dépôts de monnaies, découverts à Ieud, Giulesti, Sarasau etc., prouvent les échanges que les Romains et la Dacie romaine entretenaient.

Pour la période qui va du IV au Xe siècle, précédant l'apparition des documents écrits, la continuité de vie et de civilisation sur ce territoire est attestée par les découvertes archéologiques de Sarasau, Crâciunesti et Sighet.

Le premier document écrit concernant le Maramures est le Diplôme émis en 1199 par la Chancellerie du roi hongrois Emeric Ier. Chassant en Maramures, sa vie fut sauvée par le comte Laurentiu, qu'on récompensa en lui accordant des propriétés. Au cours des XIVe et XVe siècles, le nombre des documents démontrant la présence de la population roumaine et l'existence d'une organisation féodale de type voïvodat (duché) s'accroît. Relevons les noms de quelques chefs du voïvodat du "Pays du Maramures" : Codrea, Dragos, Oprea, Bogdan, Iuga, Balc, Sas... On doit remarquer l'importance du voïvode Bogdan de Cuhea qui passe, en 1359, en Moldavie, accompagné de ses sujets issus de plusieurs villages du Maramures. Le conflit qui l'oppose ici à Balc, prince maramoureshain, allié du roi hongrois se solde par la défaite de ce dernier à Baia. La Moldavie est déclarée état autonome et Bogdan devient son nouveau chef, prince indépendant, non soumis à l'autorité du roi de Hongrie.

Les "Diplômes maramoureshains du XIVe et XVe siècles" publiés en 1900 par le Dr. Ioan Mihali de Apsa mentionnent la plupart des localités du pays, situées sur les quatre vallées de l'Iza, Mara, Cosau et Tisa. Parmi elles : Cuhea (aujourd'hui Bogdan-Voda), Ieud, Bîrsana, Giulesti, Petrova, Vadu Lupului (Vadu Izei). Dans les documents émis après 1600, les noms des localités apparaissent dans leur traduction hongroise. On doit remarquer qu'à cette époque les localités de Cuhea, Sighet et Giulesti jouent un rôle important en tant que résidences du voïvode ou des princes du Maramures.

A Cuhea et à Giulesti, on peut encore voir les traces de l'église voïvodale en pierre. A Sighet, l'église du XIVe siècle - imposant monument en style roman tardif, modifié par la suite - fonctionne de nos jours comme église du culte réformé. Les églises de Ieud (1364) et de Bîrsana (1391), en bois, subsistent encore et ont constitué, au fil du temps, des centres de spiritualité et de culture roumaine, à côté du monastère de Peri (1391) où furent traduits les premiers textes religieux en langue roumaine.

Le XVe siècle se manifeste, lui, comme une période de développement économique : l'ampleur des exploitations forestières et de l'extraction du sel ont déterminé l'implantation de colons hongrois et allemands dans la région.

Conséquence d'un pouvoir féodal de plus en plus oppressif et figé, au XVIe siècle, le nombre des paysans privés de terres (serfs) s'accroît et la vie des Roumains du Maramures devient de plus en plus difficile. Une série d'émeutes culminent avec la grande révolte de 1514 conduite par Gheorghe Doja à laquelle participent la plupart des nobles du pays... ce qui attire une répression sévère de la part des autorités hongroises : s'ensuivent des condamnations et la confiscation des biens appartenant à une grande partie de la classe noble du Maramures. En 1538, la région est annexée à la Transylvanie et par conséquent au royaume hongrois, ce qui facilite la pénétration du Calvinisme, support d'une politique d'assimilation de la population roumaine qui utilise des moyens des plus divers. L'année 1601 marque un grand moment historique : Mihai Viteazul (Michel le Brave), voïvode de Valachie, réussit à réunir sous sa bannière, pour une brève période, les trois pays roumains que sont la Moldavie, la Valachie et la Transylvanie. Cette union est une préfiguration de l'unité nationale roumaine.

Vaincu par les Turcs dans la bataille de Mohacz (1526), le royaume hongrois - y compris la Transylvanie - subira pendant cent cinquante ans la domination ottomane.

Au début du XVIIIe siècle, les Roumains - orthodoxes - sont de plus en plus opprimés du point de vue religieux. Les pressions sur les responsables de l'Église orthodoxe de Transylvanie, la destruction de plus de mille églises roumaines décident les hiérarques orthodoxes à signer l'Union avec Rome. Dans l'espoir d'obtenir des privilèges pour la population roumaine marginalisée, ils acceptent en 1700 une Église uniate (gréco-catholique) qui combine le rite orthodoxe avec la soumission à l'autorité papale.

Le XVIIIe siècle est tourmenté par des révoltes comme celle conduite par Rakoçi, et à laquelle participe le preux maramoureshain Pintea Viteazul. Ces mouvements connaissent leur point d'orgue avec la révolte de Horia, Closca et Crisan - martyrs roumains, qui furent condamnés à subir le supplice de la roue à Alba Iulia en 1784.

Mais la grande vague révolutionnaire qui entraîne l'Europe en 1848 déferle aussi sur l'Empire austro-hongrois de la dynastie des Habsbourg. Les habitants du Maramures prennent part au mouvement révolutionnaire de la Transylvanie dont l'expression la plus importante sera la grande Assemblée populaire de Blaj où des milliers de Roumains demanderont à s'unir avec leurs frères des autres pays roumains.

Les habitants des vallées de l'Iza et de la Viseu refusent de se soumettre aux autorités austro-hongroises et de reconnaître l'annexion forcée de la Transylvanie à la Hongrie. En 1859, la Moldavie et la Valachie s'unissent par l'élection d'un même chef, le prince Cuza ; ce geste commande, en 1862, la constitution de l'Etat roumain, dont la capitale sera Bucarest.

Après 1860, en Maramures, une série de personnalités du monde des arts et des lettres s'attachent à forger la conscience d'une identité nationale roumaine : à la suite de leurs efforts, la graphie latine s'impose et de nombreuses écoles roumaines font leur apparition dans les communes. Comme il faut former des enseignants, on crée aussi dans la foulée l'École normale "Preparandia" à Sighet . La fondation, en 1860, de "l'Association pour la culture du peuple roumain du Maramures" et de la "Société de lecture des Roumains du Maramures" ("Dragosiana") s'inscrit dans un mouvement national plus vaste : celui des intellectuels roumains de toute la Transylvanie qui se reconnaissent dans la Société culturelle ASTRA.

La guerre russo-turque de 1876-1877 sera pour les Roumains, qui y participent en tant qu'alliés des Russes, "la Guerre d'Indépendance" : après trois siècles de domination ottomane, la Roumanie peut enfin se constituer en tant qu'État souverain et indépendant. Les habitants du Maramures y ont contribué avec des donations en objets et en argent, tandis que deux de leurs représentants sont décorés pour leur bravoure : le capitaine Titus Dunca qui se voit attribuer la médaille "L'Etoile de la Roumanie" et Filip Mihalcea celle de "La Vertu Militaire".

A l'issue de la Première Guerre mondiale, le Maramures cesse enfin d'appartenir à l'Empire austro-hongrois vaincu et démantelé : il se trouve uni, comme toute la Transylvanie, la Bukovine et la Bessarabie, à la Roumanie le 1er décembre 1918.

La Grande Union de 1918 laisse toutefois en dehors du jeune État roumain une partie importante du territoire du Maramures, car la frontière est fixée le long de la rivière Tisa, ce qui aura une grande influence sur le développement de la région et de sa capitale, Sighetu Marmatiei. Au début de la Seconde Guerre mondiale, le "Diktat de Vienne" (1940) conduit à nouveau à détacher de la Roumanie le Nord de la Transylvanie et le Maramures : ils sont annexés à la Hongrie. Les déportations massives, les exécutions sommaires, l'adoption du hongrois comme langue officielle dans l'administration sont quelques-unes des funestes conséquences de cette annexion forcée. Il faut aussi évoquer l'épisode tragique de Moisei où trente et un paysans roumains furent exécutés par les troupes de Horty. Si, à la fin de la guerre, le Maramures, redevient territoire roumain, la présence des armées soviétiques en Roumanie imposera les résultats falsifiés des élections de 1946 et amènera au pouvoir le Parti communiste. Faux procès, condamnations et incarcérations arbitraires seront les armes qu'il utilisera pour liquider ses adversaires politiques. La prison de Sighet, une des plus sévères de la Roumanie, est connue comme "La Prison des ministres", car c'est ici que fut exterminée l'élite de la classe politique et intellectuelle roumaine.

1947- Le Roi Michel de la Roumanie est forcé d'abdiquer et de quitter le pays. La République Populaire est instaurée.
1948- Nationalisation des principales ressources et moyens de production.
1949- Début de la collectivisation, qui sera achevée en 1962.
1989- La Révolution offre à la Roumanie la possibilité de revenir dans le concert des pays démocratiques.