Le Maramures dispose aussi d'une très riche et longue tradition dans le domaine de l'architecture. Nous en esquisserons les traits les plus importants.
La maison
Celle-ci est construite exclusivement en bois. Ses murs sont formés
de longues poutres placées horizontalement, constituant
des "couronnes" successives. Selon l'ancienne technique
de construction, ces poutres étaient rondes, tandis que
maintenant elles sont taillées en section rectangulaire,
d'où la modification du système de jointure. Selon
le bois utilisé, nous pouvons considérer deux zones
: le secteur de Mara, Cosau et Iza jusqu'à Bîrsana
emploie le bois de chêne, tandis que les villages sur l'Iza
à partir de Strîmtura jusqu'à Borsa et la
vallée de Viseu recourent au bois de sapin.
La forme et la structure du toit sont conformes au type commun en Roumanie, c'est-à-dire, à quatre ailes. Le type à deux ailes se développe plus tard, comme une influence externe. Sa hauteur spécifique est deux fois et demie plus grande que celle des murs, ce qui donne un toit très abrupt. Il était couvert de pailles, les bardeaux n'apparaissant qu'au XIXe siècle. Les plans les plus anciens respectent l'ordonnance générale de la maison paysanne roumaine : soit deux pièces (vestibule - "tinda" - et chambre) alignées directement à la façade, soit deux pièces précédées par la véranda ouverte ("prispa") devant le vestibule. Plus tard, près du vestibule ("tinda") sera installé le garde-manger. La variante la plus récente présente le trajet suivant : le vestibule, puis à gauche et à droite des chambres de tous les jours et, au fond, "la chambre belle". Cette dernière, richement ornementée de pièces textiles, céramiques et d'icônes, est destinée à l'exposition de la dot et à l'accueil des visiteurs.
Le décor extérieur des constructions maramoureshaines offre un grand intérêt artistique : des figures géométriques ou hautement stylisées, taillées ou sculptées dans un vigoureux relief sont présentes sur le cadre des fenêtres et des portes, sur les grandes portes d'entrée ou sur celles des granges. A l'élégance de cette architecture contribue aussi la succession des arcades de la "prispa", supportées par des piliers ("capriori") finement modelés.
Les dépendances ("acareturile")
La maison ne peut être saisie en tant qu'ensemble architectonique
sans les dépendances qui l'entourent et l'encadrent dans
l'organisation propre à l'économie paysanne. Maison
et dépendances forment en effet un tout fonctionnel, dont
la cohérence est déterminée par les conditions
géographiques et surtout par des raisons productives. Indices
des principales sources de gain de la famille, les dépendances
expriment aussi son niveau de vie. Toute maison du Maramures possède
sa grange et son étable, son garde-foin ("oboroc de
fin") et le dépôt de bois de chauffage ("colejna").
La porte maramoureshaine
Véritable "arc de triomphe" rustique, elle est
admirée pour l'harmonie de ses dimensions, pour les belles
proportions qui assurent l'accord de ses parties, pour les riches
métaphores que recèlent ses ornements.
Une statistique autrichienne du XVIIIe siècle situait le Maramures en tête des régions de l'Empire en ce qui concerne le nombre des familles nobles par rapport à la totalité de la population. Parmi les 15 000 "nemeâi" du Maramures enregistrés à ce moment, 85 % étaient des descendants des anciennes familles nobles ("cneziale") roumaines. Entre autres privilèges, les "nemesi" avaient le droit d'élever de grandes portes à l'entrée de leur maisnie, tandis que les gens du commun (les "portiesi" - ainsi nommés parce qu'ils payaient leur "portion") devaient fermer leur enclos seulement par une porte basse ("vranitâ"). Le prestige de cette noble construction est si grand et si persistant que, jusqu'à aujourd'hui, on a gardé l'habitude d'apprécier et de classer les maisnies en fonction de leurs portes. L'ancienneté de cette tradition concernant les grandes portes et les "vranites" se manifeste d'ailleurs dans la manière dont on choisit le bois et dans le rituel de construction des portes. Selon la conception traditionnelle, la porte constitue une barrière contre le mal, l'emblème d'une enceinte délimitant l'univers bénéfique de la maison et de la maisnie. On mettait, sous le pilier du seuil, des monnaies, de l'eau bénite et de l'encens pour que la peste et tout autre mal soient bannis. Afin d'assurer la prospérité et la protection des biens et de la famille, le pilier de la porte était aussi pourvu de figures anthropomorphes sculptées.
Tous les symboles présents dans l'ornementation avaient des significations accessibles à la communauté mais, au cours du temps, ils ont évolué vers une fonction décorative. La corde est une spirale indiquant l'aspiration vers les hauteurs. Rythmée de nuds en forme de croix, elle possède des valeurs magiques extrêmement anciennes qui se sont développées vers un symbolisme solaire, réinterprété ultérieurement par la religion chrétienne. L'élément le plus courant dans la décoration du bois est la rosette, symbole évident du soleil, source de lumière et de chaleur dont toute vie dépend. Toujours présent sur les portes et les "vranites", l'arbre de vie signifie la vie incorruptible, immortelle et une fertilité sans fin. Le type le plus complexe de ce très ancien motif a de surprenantes ressemblances avec certains signes présents sur les étendards des légions romaines. Il est figuré d'habitude par un relief très saillant le long du pilier en bois de chêne. L'axe vertical formé d'une corde représente le tronc, tandis que les courts prolongements obliques, en haut et en bas, figurent les branches. Les cercles qui y entourent des croix peuvent être interprétés comme des couronnes de fleurs ou comme des soleils. En bas, enfin, diverses figures forment la racine. Parmi les motifs zoomorphes, un rôle important est tenu par le serpent. Dérivé des croyances préchrétiennes, liées au serpent-gardien de la maison, ce symbole apparaît parfois sur les piliers latéraux des portes en compagnie d'anges à ailes ouvertes, issus d'une conception médiévale plus récente. Un syncrétisme entre le symbole archaïque et la signification chrétienne semble se manifester dans ce cas : le serpent, en opposition avec la figure ailée, figure les esprits malins, dominés par les anges gardiens de la maison. Le visage d'homme ou la main avec les doigts écartés ont également une fonction protectrice : ils chassent les mauvais esprits et le "mal heur" ou signifient la force de la prière. Au Moyen Âge, ils représentaient la souveraineté. Les oiseaux souvent utilisés dans 1'ornementation des portes, le coq surtout, figuraient, selon les Anciens, l'âme humaine. La fourche avec trois bras, motif dérivé des cornes de consécration, remonte à plusieurs millénaires : elle exerce aussi une fonction de protection. Les champs ornementaux des piliers contiennent aussi d'autres motifs : la dent de loup, la rainure, le sapin.
L'église
L'art et l'habileté des maîtres-artisans du nord
de la Transylvanie se manifestent non seulement dans la construction
des maisons et des portes, mais aussi et surtout, dans les élégantes
églises, élevées tout au long des siècles.
Il est généralement connu que le Maramures a vu
s'épanouir l'un des plus intéressants styles d'édifices
religieux en bois de l'Europe. Spécialistes et amateurs
d'art, ou touristes, l'apprécient depuis longtemps. Cet
art admirable est aussi intéressant du point de vue de
l'unité architectonique maison-église, qui est le
témoignage d'une longue continuité dans l'art de
construire et, par conséquent, d'une présence sédentaire
roumaine sans fracture sur ce territoire.
Les parois sont formées de couronnes horizontales superposées,
de poutres en bois de chêne ou de "spain" supportées
par un socle bas en pierre. La structure intérieure comprend
le pronaos, le naos et l'autel. Souvent, un exonartex ("pridvor")
et une étroite terrasse ("prispa") entourant
l'église ou longeant sa façade sud complètent
la structure extérieure. L'un de ses traits spécifiques
est constitué par la haute tour atteignant 40 à
50 mètres, celle-ci étant inspirée par la
flèche gothique. Assurer la stabilité de cette flèche
de bois devant la violence du vent, demandait une haute maîtrise
technique de la part des maîtres constructeurs paysans.
Quant à la communication entre l'espace intérieur
rituel et l'espace extérieur, le passage est obtenu avec
beaucoup d'élégance et de naturel à travers
le rythme des arcades du "pridvor". Le corps de l'église
est harmonieusement lié à la terre et au ciel. Placée
sur une hauteur, elle domine le village et s'accorde en même
temps avec les constructions civiles environnantes.
Le décor dans l'architecture
vernaculaire
Caractérisées par la robustesse et la variété
de leurs reliefs, les décorations mises en uvre par
les paysans constituent un des systèmes ornementaux les
plus représentatifs de l'architecture en bois du pays.
Présent sur les piliers des dépendances et les portes
des granges, sur les cadres des fenêtres et des portes de
la maison, sur les piliers de la "prispa", sur les portes
monumentales de l'enceinte, cet art de la décoration trouve
son prolongement dans l'ornementation des églises.
Autres constructions en bois
Facile à obtenir et à travailler, même avec
des outils rudimentaires, le bois constitue un matériau
utilisé depuis toujours dans une grande variété
de domaines. Il n'existe aucune catégorie de constructions
ou d'objets qui ne puisse être réalisée en
bois. La fontaine, les clôtures, les ponts, les "spaliers"
pour le séchage du foin, présents autour de nos
maisons offrent un charme particulier au paysage des villages
du Maramures.
Il y a aussi tout un mobilier paysan, uniquement réalisé en bois : bancs, chaises, berceaux, coffres, armoires, placards, armoires du coin, armoires à écuelles ou à cuillers etc.
Objets rituels
Le Maramures est une région qui a gardé au cours
des générations ses coutumes liées au travail,
aux cycles de la vie, aux fêtes. Toutes font appel aux objets
en bois artistiquement réalisés et décorés
: la gourde des parrains à la noce, les sceaux pour le
pain consacré et le pain béni - véritables
sculptures en miniature -, les croix et les calvaires parfaitement
harmonisés avec l'architecture traditionnelle. Les croix
funéraires portent le motif de la "dent de loup"
et de la célèbre "corde" qui suit les
bras de la croix et dont le centre est marqué par un anneau.
La communication entre les morts et les vivants, la commémoration rituelle qui assure ce dialogue, l'attention calme pour le "lieu des morts" a fait surgir de véritables artistes en ce domaine, tel Ioan Stan Patras de Sapînta : dans "le cimetière joyeux", bien connu à travers le monde, on peut voir des croix sculptées et peintes, des croix parlantes qui, au travers d'une courte chronique, relatent avec humour l'histoire de la vie du mort.
Enfin, il faut mentionner le calvaire
de Berbesti, uvre sculptée et peinte, d'où
se dégage une intensité dramatique. Des créations
similaires se trouvent dans les collections du Musée de
Sighet.